Top
Title
L'histoire du but en or / VAR & Vidéo Asssitance  / 1996 Joël Quiniou Pour ou Contre la VAR. « La réalité ne se laisse pas traquer aussi facilement par l’image. »

1996 Joël Quiniou Pour ou Contre la VAR. « La réalité ne se laisse pas traquer aussi facilement par l’image. »

Joël Quiniou est une légende de l’arbitrage. Il est le seul arbitre français a avoir participé à trois Coupe du monde, celles de 1986 au Méxique, 1990 en Italie, et 1994 au États-Unis. Il a arbitré les plus grands joueurs du monde sur les terrain les plus mythiques.

Dans un ouvrage rédigé en 1999 et intitulé Libre Arbitre (TF1 Éditions), il livre ses réflexions, notamment sur la vidéo! Une véritable pépite… donc voici un extrait (pp 162- 167)

Moyennant quoi, une interrogation fondamentale se pose à l’aube du XXIe siècle : comment peut-on faire évoluer l’arbitrage dans ce monde de demain à l’avenir si indécis ? Il y a, semble-t-il de grandes idées qui ressortent tel un serpent de mer : le recours à la vidéo et la voie vers le professionnalisme.

La vidéo. En réalité, l’univers surmédiatisée qui est le nôtre s’apprête à entrer dans une nouvelle phase active. Demain, le « live » sera omniprésent, plus encore qu’il ne l’est aujourd’hui. Demain, dans ce monde quadrillé par les autoroutes de l’information, gouverné par le réseau Internet, vivant au rythme de la vitesse des ondes électroniques et de celui de la mondialisation du temps, déjà amorcé avec la bourse, la moindre erreur ne peut plus être ignorée.

Ce faisant, on parviendra difficilement à admettre que les arbitres sont les seuls à ne pas bénéficier encore de l’aide des techniques de pointe dans le domaine de la communication.

Phénomène inouï et paradoxale qui ferait de l’arbitre le parent pauvre du football du prochain siècle. Dès lors, pourquoi donc la vidéo, utiliser à grande échelle, ne pourraient-elles pas servir sa cause ?

Que sait-on au juste, de ce débat entretenu depuis une bonne décennie et qui, aujourd’hui, est au cœur même de l’actualité ?

Au fond, la seule question qui nous intéresse est celle-ci : faudra-t-il un jour utiliser la vidéo en matière d’arbitrage pour aider à la prise de décision ? Nous en avons longuement débattu à Monaco, en octobre 1995, lors du symposium qui rassemblait toutes les personnalités du football.

Nous étions unanimes à reconnaître que la vidéo est d’abord un défi, et rien ne permet d’affirmer encore qu’il puisse être gagné. Tout est possible. La réalité ne se laisse pas traquer aussi facilement par l’image. Il est impératif qu’il ne nous mente pas.

Deux points de vue s’affrontent, guère conciliables. Le premier, plutôt philosophique, concerne l’universalité du football. Ce qui revient à dire que les 17 lois du jeu août qui régissent notre sport doivent être appliquées de la même façon pour un match se déroulant au fin fond de l’Afrique noire, en Asie ou en Amérique du Sud ou sur le terrain d’un de nos districts les plus éloignés.

La fédération internationale englobe 190 associations nationales, 200 millions de personnes pratique le football dans le monde entier. Or, chacun, quel que soit son statut, son niveau, ses mérites, s’adonne à son sport en s’appuyant sur les mêmes règles, sans utilisation d’autres stratagèmes, techniques ou supports.

Serait-il moral d’envisager qu’une infime minorité de compétition se servent de moyens sophistiqués sous le seul prétexte qu’il réduise des erreurs d’arbitrage ?

Autrement dit, quelle rencontre bénéficieraient de l’usage intensif de la vidéo et sous quels critères ? Naturellement, tout cela n’est pas simple à définir car la question précédente en amène une seconde : ne risque-t-on pas d’élargir davantage le fossé existant entre le football des riches et celui des pauvres ?

Sans compter que si certaines images vidéo ne laisse planer aucun doute, comme cette main de l’Alésien Noguira, égalisant en fin de match, contre l’O.M., D’autres images, en revanche ne permettent pas toujours de se faire une opinion tranchée.

Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de songer à édicter un code de bonne conduite au lieu d’envisager le recours à cette vidéo assistance ? Les détracteurs ne manquent d’ailleurs pas de rappeler l’opportunité d’un retour à des valeurs sûres, à une éthique sportive sans détour en acceptant l’erreur d’appréciation, si injuste et cruelle soit-elle

Ce changement de mentalité est-il utopique quand on assiste à des déballages médiatiques, à ces polémique effarantes, ces procès d’intention qui nuisent à la crédibilité de l’arbitrage ?

Les pays anglo-saxons ont une culture et une éducation orientée vers le respect d’autrui. C’est un comportement qui les honore. Voilà pourquoi ces populations, naturellement empreinte de tolérance et de fair-play, sont davantage attentives que les autres à l’encontre de tous ceux qui doivent demeurer les garants de l’esprit du jeu. C’est-à-dire les arbitres. L’Angleterre, éliminé en 1986 en quart de finale de la coupe du monde par l’Argentine, n’avait d’ailleurs pas tirer haro sur l’arbitre tunisien à Ali Benasseur, lequel n’avait pas perçu le geste tricheur de Diego Maradona qui lui avait permis de qualifier son équipe. Ali s’était confié à moi, dès son retour à l’hôtel, profondément abattu, choqué et écœuré d’un tel geste immoral.

Cette « main de Dieu » que je qualifierais plutôt de « main du diable » et, en tout cas, symptomatique de comportements dommageables dont beaucoup se font des gorges chaudes.

Comme nous l’avons signalé quelques lignes plus haut, le football français n’échappe pas, lui non plus, à ce genre de tricherie. Mais chez nous, la vidéo comme solution partielle ou totale au problème de l’équité sportive est utilisée, depuis deux ans, pour punir, après coup, les joueurs coupables de gestes inexcusables qui ont échappé à la vigilance de l’homme en noir.

Non pas pour modifier le résultat d’un match comportant une erreur arbitrale – à ne pas confondre avec une faute technique qui correspond à une mauvaise application des lois du jeu – qui aurait été filmée. Les clubs sont d’ailleurs dans l’obligation d’enregistrer leurs matchs. (….).

Qu’en est-il de ma position personnelle ?

Il y a quelques années, je sais que je n’aurais jamais accepté un recours à l’image susceptible de modifier mon jugement. Aujourd’hui, j’ai réellement conscience que la pression qui s’exerce sur cette les épaules du corps à arbitral, accentuée par des enjeux phénoménaux, est décidément trop envahissant et, par conséquent, de plus en plus difficile à gérer.

Le football professionnel n’est-il pas un spectacle qui doit être dissocié du football traditionnel ? On comprend aisément qu’un match de pupilles n’engagent pas les mêmes intérêts, ni le même engouement, qu’une rencontre nationale ou internationale.

Sondage Louis-Harris

L’opinion publique, d’ailleurs partage cet avis avec le sondage que vous découvriez dans la troisième partie de ce livre, en confortant l’idée d’un recours à la vidéo essentiellement sur des actions litigieuses.

Seulement son utilisation doit rester exceptionnelle. Comment ?

En veillant, sous aucun prétexte, à ne pas remettre en cause l’autorité de l’arbitre, à ne pas casser le rythme d’un match.

On ne peut pas, malheureusement, exclure que l’image ne reproduise pas toujours la réalité, la « vérité ». Celle-ci peut être parfaitement subjective.

J’en veux pour preuve le fameux penalty sifflé lors de la finale du Mondial 90 qui a permis à l’Allemagne de battre l’Argentine, action de jeu où il était bien difficile de se prononcer pour savoir si la décision s’imposait.

Reste à savoir, naturellement, qui dans un tel cas de figure doit trancher. L’arbitre ? Le délégué ? Un arbitre suppléant chargé d’une communication avec l’arbitre central ?

No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.