1986 : Carton Rouge… Joël Quiniou l’homme qui tirait plus vite que son ombre !
« Je le dis honnêtement : je ne sais pas si cette expulsion historique du vendredi 13 juin aura peser sur mon destin d’arbitre. Je sais, en revanche, qu’elle m’aura valu, dans un tout premier temps du moins, un grand nombre de polémique, de controverse, voire de procès d’intention. « Quiniou, Le Lucky Luke du carton rouge, l’homme qui expulse plus vite que son ombre. »
(Joël Quiniou , 1996, Libre arbitre, TF1 édition, p.22)
En 1986, tous les matchs étaient télévisés, et j’étais devant mon écran à midi le 13 Juin 1986 pour voir le 32e match de la coupe du monde, entre l’Ecosse et l’Uruguay (0-0, Stade Neza). Dernier match de la poule, en gagnant largement l’Uruguay pouvait encore se qualifier pour le tour suivant au dépend de l’Allemagne ! Mais c’est pour une toute autre raison que ce match est entré dans la grande histoire de la Coupe du monde : au bout de 53 secondes, l’arbitre français Joel Quiniou a expulsé le joueur uruguayen José Batista. Au bout d’une première minute mouvementée, le carton rouge est brandi… stupéfaction générale de courte durée, cinq uruguayens viennent tout de suite entourer l’arbitre… Aucune raison de ne pas sanctionner un tacle dangereux, mais personne n’avait connaissance d’un arbitre le faisant dés la première minute du match ! En Coupe du monde, ce record tient toujours !
Bien sûr ce souvenir est gravé dans la mémoire de l’acteur principal, il le relate 10 ans plus tard : « J’ai sorti, par hasard, le 13 juin de cette année-là, un carton rouge après seulement 53 secondes de jeu, pour un tacle assassin effectué par derrière, Batista, le milieu de terrain défensif, se jetant crampons en avant sur les jambes du capitaine, l’Écossais Strachan. Sur ce terrain sec, à l’heure du déjeuner et devant les tribunes clairsemées, j’ai senti comme un frisson de se propager dans le stade. Une stupeur qui réduit au silence spectateur et acteur ». (Joël Quiniou, 1996, p. 20).
Ce carton rouge est totalement assumé par Joël Quiniou, avec 10 ans de recul, il évoque le contexte de 1986 et les recommandations faites aux arbitres au cours de cette Coupe du monde.
« Malgré moi je me suis trouvé impliqué dans cet événement inattendu. Le tacle de Baptista était une tache rouge sur ce Mondial de fête. En l’occurrence, je n’avais fait que mon devoir en l’exprimant ainsi. C’était de toute évidence la solution qui s’imposait. Déjà à l’époque du mondial mexicain, la FIFA avait banni ce type d’agression. (…) Tel était bien le message qu’entendaient faire passer João Havelange et Sepp Blatter au Mexique. Après une quinzaine de rencontre, le président de la fédération internationale et son secrétaire général nous avaient convoqué pour nous faire part de leur trouble. Ils estimaient que nous étions trop souvent là pour faire du tourisme et souhaitaient, en définitive, que les arbitres aient une part plus prépondérante dans la réussite de cette Coupe du monde. Ils ne voulaient à aucun prix, que l’ombre d’une critique puisse obscurcir ou voiler le sentiment que l’on pouvait avoir sur les arbitres dirigeant ce mondial 1986. Au contraire, notre art devait constituer la meilleure publicité possible pour servir l’image de l’arbitrage ». (Joël Quiniou, 1996, p. 20-21).
Ce geste symbolique de brandir le carton rouge à la vue du coupable, mais aussi de tous, est à resituer dans l’histoire du football et des lois du jeu. Lors des Coupes du monde jouées entre 1930 et 1966, mystérieusement personne n’a reçu le moindre carton rouge ! Rien de surprenant en fait, il n’existait pas !
Les cas d’exclusion du joueur sont évoqués dès 1889 par le Board, notamment, en cas de violence, sans avertissement préalable. Le referee placé en tribune a donc le pouvoir d’exclure un joueur, un rôle ensuite dévolu à l’arbitre central lors de son apparition en 1891. Il existe aujourd’hui sept catégories de fautes passibles d’un carton rouge (Tenèze, Ludovic, 150 ans de football, p. 166).
Il faut, cependant, attendre 1968 pour voir l’exclusion se confonde avec le carton rouge. Très marqué après avoir dirigé le match Italie-Chili lors de la Coupe du monde 1966, qualifié de « Bataille de Santiago », l’arbitre anglais Ken Aston, réfléchissait à un moyen d’endiguer la violence. L’année suivante à l’arrêt devant un feu tricolore, il eut l’idée lumineuse des cartons. Ceux-ci furent introduits aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968 et à la Coupe du monde de 1970. Les cartons jaunes et rouges firent leur apparition pour notamment lutter contre le jeu dur. Ils permettent aux spectateurs et journalistes de prendre connaissance visuellement de la décision du directeur de jeu.
Le premier joueur averti en Coupe du monde fut le défenseur soviétique Evgueni Lovcev à la 31e minute du match d’ouverture du Mondial mexicain. (31 mai 1970, Estadio Azteca, Mexico. Mexique-Union soviétique : 0-0).
Le chilien Carlos Caszely reçoit le premier carton rouge de l’histoire de la Coupe du monde en 1974. Ce joueur surnommé le « roi du mètre carré » (El rey del metro cadro) » est expulsé pour avoir donné un coup à Berti Vogts lors de la rencontre RFA-Chili (1-0). Tout le monde se souvient aussi de deux joueurs français exclus en finale de Coupe du monde (1998, et 2006) … Pour les cartons rouges, en un seul match de Coupe du monde, le record est de quatre. En effet, en juin 2006 lors de Portugal-Pays Bas, l’arbitre Russe Valentin Ivanov sort 4 cartons rouges.
Joël Quiniou, demeure pour les matches de Coupe du monde, l’homme qui tire plus vite que son ombre.
Mais il est loin d’être la gâchette la plus rapide. En effet le 18 septembre 2022 l’arbitre français bastien Depechy a expulsé le joueur Niçois Jean-Clair Todibo après seulement neuf secondes contre Angers, pour avoir annihilé une occasion de but sur l’angevin Abdallah Sima. Ce dernier a été fauché à la sixième seconde alors qu’il partait au but et, le temps que monsieur Depechy sorte le rouge, on jouait donc la 9e seconde, de cette rencontre du championnat de France.