Petite Histoire du Fair-play.
Le fair-play de Karim Benzema, un gentleman du XXIe siècle.
Karim Benzema a écrasé la concurrence pour l’attribution du ballon d’or 2022, il a marché sur l’eau ou voler très haut toute la saison… Nous nous sommes délectés de sa première interview comme ballon d’or dans le France football d’octobre 2022. Mais, déjà lors de son interview , dans L’équipe du mardi 5 avril 2022, il nous avait conquis… juste quelques mots très forts sur la notion de fair-play.
Avant de revenir sur ces propos rares, nous nous permettons un petit détour sur l’histoire du fair-play !
Les fautes intentionnelles et les arbitres n’avaient aucune place dans les règles originelles de 1863. Les notions de fair-play et de gentlemen’s agreement accompagnent la naissance des sports collectifs dans les public schools britanniques. En effet, les joueurs étaient supposés fair-play, et il n’était pas imaginable qu’ils commettent volontairement des fautes intentionnelles.
Les joueurs intègrent des valeurs morales et l’arbitrage était alors le fait des deux capitaines. Cette autogestion était compliquée, et la gestion du match sera ensuite dévolue à des juges nommés umpires, qui représente chacun une équipe, et un referee situé dans la tribune en bois ! En août 1891, le trio arbitral tel que nous le connaissons aujourd’hui était formé. L’arbitre est la seule personne habilitée à expulser des joueurs et à octroyer des coups francs sans se soucier des appels. Simultanément l’introduction du penalty se réalise aussi en 1891… le fair-play semble s’éloigner dans un sport qui se développe aussi dans la classe ouvrière.
Les valeurs de fair-play et de gentlemen’s agreement sont remises en cause, par l’intrusion de l’arbitre au cœur du terrain de jeu à la fin du XIXe siècle. Pour Franck Annese et Jean Damien Lesay l’apparition du referee peut s’analyser comme une tutelle imposée au peuple, une violence symbolique, comme si le peuple ne pouvait, à l’inverse de la noblesse, s’auto-discipliner. Le pouvoir glisse progressivement des capitaines aux umpires, puis aux arbitres. Ces derniers deviennent les maîtres incontestables du jeu, et la figure emblématique des sports modernes : « pas de match sans arbitre ». En cas de nécessité, le speaker du match lance un appel en direction des tribunes pour en trouver un !
Annese, F. & Lesay, J-D. (2007). A mort l’Arbitre ? Paris, Calmann-Levy.
Un siècle plus tard, le Board rappelle, lors de la réunion de 1997, que le football est un sport rugueux et combatif, où le combat pour la possession du ballon devrait rester néanmoins fair-play et correct.
L’esprit « fair-play » à l’honneur au XIXe siècle, tout du moins revendiqué par les créateurs du jeu, semble renaitre de ses cendres au XXIe siècle, et est de nouveau évoqué dans les réunions du Board à une époque où la victoire vaut vraiment de l’or. L’Irish Football Association a présenté, en 1998, une vidéo illustrant des aspects du fair-play. La même préoccupation est avancée en 2002, lorsque le Président de la FIFA, M. Joseph Blatter insiste sur l’importance des lois du jeu, qui contrôlent et garantissent de jouer à l’intérieur des limites du fair-play. Ce concept, ignoré dans les comptes rendus du XXe siècle, se révèle pourtant, en permanence, en creux. En effet, les conduites inconvenantes et les comportements antisportifs, sont manifestement et majoritairement des actions « non fair-play ». La lutte actuelle contre les simulations de joueurs, et le « nettoyage » des surfaces de réparation dans les années 1990, poursuivent le même objectif, le retour aux valeurs traditionnelles.
Pour revenir, à l’interview de Karim Benzema du mardi 5 avril 2022, le journaliste de l’équipe lui a posé la question suivante :
En plus de 800 matchs, en pro vous n’avez jamais pris un carton rouge, et seulement 12 jaunes. Comment l’expliquez-vous ?
« Parce que je ne vois pas l’intérêt de prendre des cartons. Encore un défenseur je comprends, mais alors un joueur offensif… Je ne vais pas aller mettre les semelles, je m’occupe du ballon. Et sinon les contestations et les simulations, ça n’a jamais servi à rien. Pourquoi les joueurs contestent les décisions de l’arbitre ? Ça me rend fou quand un joueur de mon équipe fait ça. Il a sifflé, c’est fini, tu veux faire quoi ? Il ne peut pas revenir dessus. Et pour les penalties maintenant, il y a le VAR. Donc ça ne sert à rien de réclamer. »
Chapeau l’artiste, dans ce domaine il a largement dépassé son idole, « zizou » qui a pris 14 cartons rouges dans sa carrière… environ un par an !