Modifier les règles pour accélérer le jeu en Handball… et en football ?
Les nouvelles règles mises en place par la fédération de handball pour encourager un jeu débridé… une accélération du jeu pour augmenter encore plus les possibilités de marquer.
Yann Hildwein, l’auteur de l’article, intitulé « Hourra handball », L’Équipe du jeudi 20 octobre 2022, note un
« basculement global du jeu vers l’offensive. La tendance était déjà à l’œuvre, elle a été accélérée par les nouvelles règles instaurées cette saison pour la Fédération Internationale (IHF) afin de fluidifier le jeu ».
Dans le détail pour le handball trois règles sont modifiées : une concernant la protection des joueurs de but, les deux autres l’accélération du jeu.
La première concerne la protection du gardien de but : Tout tir qui frappe la tête du gardien est sanctionné une exclusion de deux minutes (sauf si l’attaquant est déséquilibré par un défenseur ou si le ballon est dévié) alors qu’auparavant c’était à arbitre d’apprécier si ce geste était volontaire…
Ensuite, l’engagement qui devait se faire à l’arrêt, avec un pied sur la ligne médiane, peut désormais être effectué en mouvement, par n’importe quel joueur présent dans un cercle au centre du terrain. Dans ce contexte il semble plus difficile de faire entrer en jeu des spécialistes de la défense.
Enfin, le jeu passif est accéléré. Lorsque l’arbitre lève le bras pour signifier qu’une équipe tarde à attaquer le but adverse cette dernière n’a droit qu’à quatre passes pour conclure l’action contre six auparavant. L’entraîneur du Paris Saint-Germain, Raoul Gonzalez estime que « le temps de te rendre compte que l’arbitre a levé le bras, tu as souvent déjà fait deux passes… Dans 80 % des cas tu perds le ballon. »
Donc la défense ou le gardien récupère souvent le ballon et déclenche une contre-attaque…
Ces deux règles privilégient le jeu offensif rapide. En effet, les premières tendances dans toutes les compétitions confirment une augmentation des tirs tentés (…) donc davantage de buts, l’évolution est nette dans toutes les compétitions.
Pour accélérer le jeu, l’ancien entraineur du Paris-SG, le croate Zvonimir Serdarusic, grand apôtre du jeu rapide estime qu’il est possible de poursuivre dans cette voie offensive.
« Il faudrait aller encore plus loin pour rendre le jeu plus attractif. Cela fait des années que je milite pour limiter le temps en attaque avec une horloge au bord du terrain, comme au basket. Quinze secondes, vingt secondes ? En tout cas cela faciliterait le travail des arbitres et amèneraient les entraineurs à créer encore plus e variantes techniques ».
Pour accélérer encore plus le jeu, une autre option avait été envisagé par la Fédération Internationale : effectuer l’engagement depuis la zone du gardien de but !
Et pour le football ?
Ce discours s’apparente point par point avec celui de la FIFA martelé depuis 10 ou 15 ans… Une fédération qui cherche aussi à protéger les joueurs et à accélérer les reprises de jeu.
Dans notre ouvrage « Et si on modifiait vraiment les règles du football ? 99 propositions » (2019), l’une de nos propositions visaient à
« Limiter les phases de conservation du ballon comme au handball ou au basket. »
Voici un extrait de notre argumentaire développé page 150.
Il est possible au football de passer son temps à jouer à la passe à 10, de jouer une parodie de football. Le RFA – Autriche du Mondial 1982 en Espagne (1-0. 26 juin 1982 au Stade Molinon de Gijon, 1er tour, Troisième match de poule) en est l’exemple le plus frappant. En effet, au bout de 11 minutes de jeu et l’ouverture du score par Horst Hrubesch, un score qui qualifiait les deux équipes aux dépends des Algériens, il n’y eu plus aucune action ni aucune frappe cadrée. Pour ce match de la honte, le compte rendu de Patrick Urbini, envoyé spécial de L’Équipe, avait pour titre « Vingt-deux cartons rouges » ! Chaque joueur obtint la note minimale de 1. Les protestations de la Fédération algérienne ne débouchèrent pas sur la disqualification attendue des deux équipes. La FIFA prit seulement la décision de faire disputer désormais les matchs du premier tour à la même heure.
Pour limiter les phases de jeu stériles sans tentative d’attaquer la cible adverse, les règlements des autres sports collectifs se sont adaptés.
Ainsi, le refus de jouer est sanctionné au handball. Si l’arbitre estime que les attaquants ne tentent pas vraiment d’atteindre la cible, il le signale par un geste d’avertissement en levant le bras. Ce geste donne la possibilité à l’équipe en possession du ballon de changer sa stratégie d’attaque afin d’éviter la perte du ballon. Si l’estimation du temps restant d’attaque était laissé libre à l’appréciation de l’arbitre, il est désormais établi à 6 passes maximum avant de tirer au but. Le plus souvent, à partir du signal de l’arbitre les attaquants accélèrent le jeu et se précipitent pour finir leur action. Et si le mode d’attaque ne change pas après le geste d’avertissement ou qu’aucun tir au but n’intervient, l’arbitre décidera d’un jet franc contre l’équipe en possession du ballon.
Ce temps d’attaque limité se retrouve dans d’autres sports collectifs. En basket-ball à partir de la récupération du ballon, le temps pour prendre le shoot était limité à 30 secondes lors de la création de la National Basketball Association (NBA) en1949. Cette contrainte devient de plus en plus forte, en effet à partir de 1954, l’équipe offensive ne disposait plus que de 30 secondes pour déclencher le tir en direction du panier. L’adoption de cette règle des 24 secondes date de 1999 en Europe ! Concernant le water-polo, dans la même logique, le temps imparti est depuis les années 2000 de 30 secondes alors qu’il était de 35 secondes. Compte-tenu du temps nécessaire pour rejoindre l’autre cible en nageant, il reste peu de temps pour s’organiser avant le tir. Si le rapport d’opposition n’est pas équilibré et face à une défense haute, très forte, l’équipe la plus faible n’a bien souvent pas le temps, ni la possibilité de se créer une situation de tir.
À contrario, au football le règlement ne sanctionne pas le fait de refuser d’attaquer la cible adverse, et on peut tenter de jouer indéfiniment à conserver le ballon. Il n’existe aucune règle d’accélération du jeu. L’équipe qui mène au score, peut donc tenter de conserver son avantage, jusqu’au coup de sifflet final, sans pouvoir être pénalisée pour refus de jeu. Le faible nombre d’actions offensives de certains matchs risque de les rendre très insipides pour les spectateurs ou téléspectateurs.
Pour Norbert Elias,
« Comme d’autres activités de loisirs, le football se trouve en position instable entre deux dangers fatals, l’ennui et la violence. Un bon match de football a quelque chose en commun avec une bonne pièce de théâtre ».
Elias, N. & Dunning, E. (1994). Sport et civilisation. La violence maîtrisée. Editions Fayard.
Dans une logique de spectacle les législateurs pourraient décider de lutter contre le jeu passif en instaurant une règle d’accélération, tirer en moins de 30 ou 40 secondes par exemple. Il n’est pas certain que cette perspective soit un jour retenue, car il est moins facile de « confisquer » un ballon qui reste libre pour tous dans le « jeu au pied ». Seules les très grandes équipes sont en capacité de conserver le ballon, une séquence de jeu symbolisée par le jeu de passe du FC Barcelone depuis de nombreuses années.
Pour redynamiser le football, nombreuses de nos autres propositions concernent l’accélération du jeu, mais ce sont d’autres histoires à conter.